11 mars 1919 : départ pour Odessa par Constantinople et Constanza.
28 mars 1919 : arrivée à Odessa.
…La ville compte un million d’habitants, dont, paraît-il, 60 à 65000 « Bolcheviki »… Le soir, à 9 heures, la ville est en état de siège, on ferme tout… Les armées alliées sont à 60 km de la ville. Elles font le coup de feu avec les « rouges » …
1er avril 1919 :
…Je suis toujours avec le commandant de SERRE et vais prochainement, prendre la direction des ateliers de montage du parc, la réception des avions et la surveillance de la piste…
03 avril 1919 :
…Nous devons partir dans trois jours…Nous sommes dans une situation bien mauvaise. Il est très pénible d’abandonner aux « bolchevicki » cette ville riche, centre d’un commerce important… Ici tous les habitants ont peur…Cette phase de ma vie militaire est assurément, au point de vue moral, la plus pénible. Nous avons nettement l’impression que le bolchevisme s’étend comme la tache d’huile, et l’avenir que nous devrons vivre sera plus terrible que la guerre si nous ne parvenons pas à briser le flot dévastateur…
11 avril 1919 – Bucarest
…Notre situation à Odessa était intenable. Aussi, pour éviter des combats inutiles, l’armée s’est-elle retirée loin de cette Russie rouge et tumultueuse…
Le 5, les rues encore paisibles la veille étaient sinistrées. Les mitrailleuses crachaient partout et les morts emplissaient les carrefours. En sortant de la ville, nous rencontrons un convoi de Polonais aux prises avec des prisonniers de droit commun libérés par des extrémistes. Nous avons pu nous en sortir grâce à mes six mitrailleuses qui ont réduit au silence cette bande de pillards. Arrivé au camp d’aviation, il me restait une détermination à prendre. Je compris que je devais détruire par le feu tout notre matériel déposé dans les usines russes Anatra : avions, moteurs, munitions, essence, voitures…j’ai fait disparaître la valeur de plusieurs millions. Mon œuvre de vandale patriotiquement terminée, il ne me restait plus qu’à prendre le large et à gagner la Roumanie. La route fut longue et dure : nous avons dû contourner le Dniester puis traverser la Transylvanie…
Bons baisers de votre fils qui a vécu, lui aussi, sa retraite de Russie…
26 avril 1919 : Frédéric est à Galatz (Galati), proche de la frontière russe, pour organiser un parc d’aviation.
10 mai 1919 : montage du premier Spad.
05 juin 1919 : rumeur…
…Il paraît que toute l’armée française doit partir du Front de Bessarabie pour aller faire de l’occupation en Bulgarie…
14 juin 1919
…Demain, je partirai pour livrer un Breguet à Bucarest…Nous savons à présent que notre parc ne restera pas à Galatz. Nous devons nous rendre à Sofia, aussitôt que nos avions, actuellement sans ailes, seront capables de voler…
22 juin 1919 : dernière lettre, reçue le surlendemain des funérailles…
…Me voici de nouveau, et pour la deuxième fois de cette semaine, dans cette délicieuse ville de Bucarest. Hier, mon voyage fut d’un charme particulier… À sept heures, mes roues se posaient à Kotrocheni, où se trouve le terrain d’aviation, à proximité de la ville. En automobile, je filai promptement vers le centre…Je m’abandonnai à la contemplation de cette ville de volupté…Les arbres, qui abondent dans les avenues, emplissaient l’atmosphère de senteurs étranges, et les roses, vendues dans des corbeilles de roseaux que portent des tziganes en costumes multicolores, nous faisaient oublier le murmure et l’agitation de la rue. On entendait de partout les cadences joyeuses d’une gigue anglaise ou les mesures langoureuses d’une valse interminable. Et la foule, contente, distraite, regardait le retour des courses où les toilettes, qui s’étalent dans des limousines superbes et dans des voitures aux attelages magnifiques, rivalisent en luxe comme en couleur.
Au milieu de ce décor, je pense à vous…
25 juin 1919 Extrait de la Revue moderne des arts et de la vie :
« Le jour où l’on apprit, dans Galatz, que les Allemands allaient signer la paix à Versailles, Frédéric FORTHUNY monta sur son avion et, entouré de drapeaux français, s’éleva au dessus de la ville pour fêter le glorieux événement en exécutant des exercices aériens. Mais sa destinée devait s’accomplir là, et un accident banal fit choir l’appareil sur le sol. FORTHUNY était mort : il n’avait que vingt-quatre ans… »
On raconte que l’avion se serait crashé dans le cimetière de la ville et que son corps aurait été retrouvé étendu sur une tombe, avec, pour linceul, les drapeaux tricolores qu’il avait accrochés à son avion…
Frédéric est inhumé au carré militaire de Galatz (Galati).
Inscription sur sa tombe : « Tombé en célébrant la paix ».
Cité pour son courage et sa bravoure à l’Ordre du Corps d’armée le 18 février 1918 et à l’Ordre de l’Armée le 30 juin 1918, il est reconnu comme « mort accidentellement en service » et obtient la mention « Mort pour la France ».
Nous adressons nos remerciements au Colonel Gabriel PORCHEROT qui a mis à notre disposition ses dossiers familiaux permettant la reconstitution de la carrière de Frédéric Cochet Forthuny.