8 mai 2024 – Blaisy – Travail de Mémoire sur la Résistance

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Introduction

À l’occasion des cérémonies du 8 mai 2024, Maryse et Jean-Paul LANGUET, ainsi que les élèves de CM1/CM2, ont présenté une exposition ayant pour thème la « Résistance », consacrée plus particulièrement aux Normaliens Fusillés à Dijon en 1942 et au rôle des femmes dans cette résistance à l’oppresseur.

1ère partie : LES NORMALIENS FUSILLÉS

René ROMENTEAU est né à Créancey le 21 décembre 1921. Son père, Alcide, est maréchal-des-logis-chef dans la gendarmerie, probablement à Sombernon. Sa mère Marguerite, née MIGNON, élève les deux garçons du couple, Maurice et René.

À sa retraite de la gendarmerie, Alcide ROMENTEAU prend un emploi de comptable dans l’entreprise Mercusot et la famille s’installe à Blaisy-Bas, au 3 de la rue Durand.

À leur décès, Alcide et Marguerite sont inhumés au cimetière de Blaisy-Bas. Sur leur pierre tombale est gravée I’ inscription :

Sur la tombe familiale du cimetière de Blaisy-Bas

René fréquente I’école communale de Blaisy-Bas puis l’école primaire supérieure Hippolyte Fontaine à Dijon, boulevard Voltaire, aujourd’hui lycée. René était un excellent élève comme le montre sa place de major au concours d’entrée à l’École Normale en juillet 1939. Il est reçu premier sur 80 candidats et retrouve dans sa promotion Jean SCHELLNENBERGER, Pierre VIEILLARD qu’il a connus à Hippolyte Fontaine, et René LAFORGE qui venait d’Arnay-le-Duc. Tous les quatre connaîtront le même destin tragique le 7 mars 1942, ainsi que Robert CREUX, un jeune ébéniste.

Robert CREUX

Les quatre étudiants font partie de la dernière promotion de normaliens de la III ème République. Par une loi de juillet 1940, Vichy supprime les Écoles Normales, les « Hussards noirs » de la République étant considérés comme des esprits rebelles et peu susceptibles d’adhérer à la politique réactionnaire de la « révolution nationale ».

René ROMENTEAU a laissé le souvenir d’un élève brillant, d’une grande distinction (« Un air de prince ›› dira de lui sa logeuse à Dijon). Les appréciations portées par le directeur de l’École Normale, M. URIOT, sont élogieuses : «Conduite irréprochable… sérieux et droit… intelligent et surtout très travailleur; ne perd jamais une minute… des connaissances solides …››

C’était un meneur, d’une autorité morale et intellectuelle certaine sur ses camarades. Au sein de la promotion 1939, il crée une section clandestine des Jeunesses Communistes. Le Parti Communiste et ses satellites avaient été interdits. Il y avait ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas, pour reprendre les mots de LAMBERT, un de leurs camarades. Mais qu’ils soient marxistes comme René ROMENTEAU, ou catholiques comme René LAFORGE, tous reconnaissaient le même ennemi et sa barbarie et tous avaient la même volonté de le combattre.

C’est encore LAMBERT qui raconte : René ROMENTEAU et Jean SCHELLNENBERGER, après la déroute de l’ armée française, s’employaient à récupérer armes et munitions, munitions qu’ils stockaient dans des bouteilles.

À la question « Pourquoi cette collecte ? ›› René a répondu « Cela pourra peut-être servir un jour ››.

À partir de la rentrée de septembre 1940, René ROMENTEAU entre en résistance. Avec ses camarades, il distribue tracts et journaux clandestins, colle des papillons en ville partout où c’est possible, transporte une machine à dupliquer, autant d’actes illégaux, susceptibles de leur valoir la prison, pour le moins, s’ils se font prendre.

Arrêté dans sa classe

Avis sur la presse régionale

Le 14 janvier 1942, René est arrêté dans sa classe à Semur-en-Auxois par la police française sous les ordres du sinistre commissaire MARSAC.

Une plaque commémorative sur la façade du bâtiment, aujourd’hui médiathèque, rappelle

l’événement. Une série d’attentats anti-allemands visant notamment le foyer du soldat allemand place du Théâtre à Dijon a pour conséquence l’arrestation des quatre normaliens et de

Robert CREUX. Aucun de ces cinq jeunes n’était impliqué dans ces attentats, l’ enquête de la police française l’a démontré. Ils sont incarcérés à la maison d’arrêt de Dijon, rue d’Auxonne, interrogés plusieurs fois (René par trois fois), brutalisés («passés à tabac» : ce sont les mots de René à sa fiancée), isolés, souffrant de la faim et du froid malgré les rares colis qu’ils ont pu recevoir. Ils sont finalement inculpés par un juge d’instruction français de «menées anti-françaises››.

20 ans à peine…face au peloton.

Malgré la minceur du dossier d’accusation, malgré des recours au plus haut niveau de la hiérarchie allemande à Paris, sans même le moindre simulacre de procès, les quatre normaliens et leur camarades sont extraits de leur cellule l’après-midi du 7 mars 1942. On leur laisse le temps d’écrire une dernière lettre à leurs proches. Ils sont conduits au stand de Montmuzard et fusillés l’un après l’autre, de 18h03 à 18h39. René est le premier. Ils avaient 20 ans peine. Ils ont fait face au peloton avec un courage admirable.

Jean SCHELLNENBERGER a réussi à faire passer un mot à Pierre VIEILLARD quelques instants avant l’exécution : « Mon vieux VIEILLARD, c’est fini, adieu, soit courageux, nous ne souffrirons pas ››.

René LAFORGE écrit dans sa lettre : « Vous irez dire à mon directeur d’École Normale que je suis mort courageusement comme il sied à l’homme qu’il a formé… Je regarde la mort en face et je n’ai pas peur ››.

On n’ a pas retrouvé la lettre de René ROMENTEAU.

Ils ont été fusillés «comme mesure expiatoire» en représailles aux attentats de janvier 1942 qui n’avaient fait aucune victime…

L’exécution des cinq jeunes hommes souleva dans toute la région une émotion profonde. Ils avaient été fusillés « pour l’exemple ››, mais ce ne fut pas l’exemple attendu par les Allemands. Ce fut la même chose après l’exécution de MANOUCHIAN et de ses camarades annoncée par l’Afliche Rouge. La lettre de René LAFORGE a été lue à la radio de Londres quelques mois plus tard. Et l’action clandestine continua et se renforça avec la création des premiers maquis en 1943.

Voici la dernière lettre de René LAFORGE adressée le 7 mars 1942 à M. et Mme CUNIT, à Dijon.

« Chers amis,

C’est à vous que j’écris en dernier lieu car je n’ai pas le courage d’écrire à Arnay. Je vais mourir aujourd’hui quoique étant innocent et m’étant toujours efforcé de faire le bien dans ma vie.

Vous irez à Arnay, vous leur donnerez cette lettre, et vous leur direz que mes dernières pensées ont été pour eux, pour Suzanne, pour Mimile et surtout pour le cher petit Guy que j’aimais tant. Je voudrais qu’on lui parle souvent de moi quand il sera grand. J’ai aussi pensé à vous, chers amis, qui avez tant adouci mes derniers jours. Vous direz aussi à Auxonne, à Lucienne et à Jeannot, et à Belan, à Suzanne Jean et Jeannine, que je pense tendrement à eux. Je pense aussi à ceux d’Épinac. Je suis consterné pour mes frères Henri et Fernand prisonniers. Vous Ieur laisserez ignorer ma mort jusqu’à leur retour.

Je suis très pauvre mais tout ce qui m’appartient je désire que Suzanne à Arnay en hérite pour Guy plus tard. Argent et mes livres que j’aimais beaucoup.

Mes dernières volontés sont que vous ne me pleuriez pas trop tous. J’aurais aimé que mon corps repose dans le cimetière d’Épinac près de mes parents mais je sais que c’est impossible. Vous irez aussi dire à mon directeur d’ÉcoIe Normale que je suis mort courageusement, comme il sied à I’homme qu’il avait formé.

Dites lui adieu tendrement de ma part.

Je crois que I’heure approche je suis en train de fumer une dernière cigarette. Je regarde la mort en face et je n’ai pas peur. Je vais mourir en catholique, mes parents étant morts ainsi. La confession me permettra d’ailleurs de résumer ma vie et de la revivre un peu.

Je vous embrasse ainsi que toute la famille très, très tendrement. »

R. LAFORGE

ROMENTEAU / MANOUCHIAN, même combat…

Si on compare les parcours de Missak MANOUCHIAN et de René ROMENTEAU, on voit bien des similitudes malgré des origines très différentes. D’une sensibilité politique semblable – ils étaient communistes – ils ont commencé leur combat clandestin de la même façon : actions de propagande, diffusion de tracts, de journaux, avant de passer, pour MANOUCHIAN, à une forme de lutte plus radicale. C ‘est la lutte armée que René ROMENTEAU avait en tête, n’en doutons pas, quand il collectait armes et munitions autour du puits XV. Missak MANOUCHIAN et René ROMENTEAU ont fait don de leur personne à la France, mais pas pour en enterrer les valeurs, eux, mais au contraire pour faire vivre ces valeurs universelles que sont la liberté, l’égalité, la fraternité, pour faire vivre l’humanisme face à la barbarie.

En ce temps de commémorations, toutes les générations sont rassemblées pour rendre hommage à ces femmes et à ces hommes. Demain, ce sera la responsabilité de toutes les filles, de tous les garçons de l’école de Blaisy-Bas – de tous les enfants d’ailleurs – de prendre le relais de la mémoire, de faire vivre le souvenir des femmes et des hommes qui ont donné leur vie pour que vive en nous l’humanité.

Pour conclure, gardons à l’esprit les mots d’Eduardo GALÉANO, écrivain journaliste Uruguayen qui a connu la dictature, la prison, la torture dans son pays dans les années 1970 : « Il n’y a pas d’ histoire muette. On a beau la brûler, la briser, on a beau la tromper, la mémoire humaine refuse d’être bâillonnée. Le temps passé continue de battre, vivant.››

2ème partie : LES FEMMES DANS LA RÉSISTANCE

Dès le début de la guerre, les femmes ont fait partie de «l’Armée des Ombres››. Suite au discours de défaite de Pétain et à l’appel au combat du général De GAULLE, elles ont tenu, comme les hommes à faire leur devoir de citoyennes. Ce fut un engagement d’autant plus fort que, pour la plupart, elles étaient encore confinées dans leurs obligations familiales. Il n’était donc pas évident pour toutes de rentrer dans la clandestinité. Certaines étaient déjà politisées, comme Germaine TILLON, Geneviève De GAULLE ANTHONIOZ, Lucie AUBRAC ou Danielle CASANOVA.

Pour la plupart, l’engagement politique était quelque chose de nouveau. Les unes misent d’abord sur l’union pour combattre l’occupant en organisant des manifestations de ménagères sur les marchés et dans les rues. D’autres créent des journaux, comme Odette JARLAUD à Dijon en 1943 dont le titre « Bourgogne combattante » parlait de lui-même.

À la nouvelle du débarquement en Normandie, les maquis se renforcent et se regroupent.

Les groupes FTP et résistants de Lantenay, Charmoy, Blagny, de la vallée de l’0uche… forment le maquis Koenig, puis prennent le 3 juillet le nom de maquis Liberté, sous l’appellation de FFI. Les combattants du maquis Liberté rentreront dans Dijon le 4 septembre 1944.

Théâtre des opérations du 6 juin au 4 août 1944 dans la vallée de l’Ouche

Petit à petit, elles se font une place dans la plupart des maquis. Beaucoup d’institutrices se servent de leur situation de secrétaires de mairie pour fabriquer de faux papiers, comme Mlle BARBIER assassinée à Pesmes en 1942. Les personnels féminins des Postes et Communications profitent de leurs emplois pour espionner, comme Jeannette COLAS à Clamecy. Elles ont participé à tous les réseaux.

Rapidement, elles ont fait partie d’un réseau de renseignements et d’évasions des prisonniers de guerre, comme Simone MONIER déportée en 1942, Anna MIGNON de Nevers, Blanche GRENIER-GODARD, arrêtée en 1942 à Chalon/Saône, qui ont fait passer de nombreux juifs et réfugiés en zone libre.

Elles ont très vite pris en charge le ravitaillement des maquis et assuré, en tant qu’agents de liaison, le lien entre les différents groupes.

Maquis de Pesmes Remise de brassard FFI à Mlle SUZAN, agent de liaison,au lendemain de la Libération

C’est à vélo ou à pied qu’elles transportaient des messages, des armes, des journaux, des postes de radio, comme Cécile FOURNIER pour le maquis de Savranges ou Anna GARNIER pour le maquis Gorki.

Anna GARNIER au maquis GORKI

À partir de 1943, quelques unes vont participer au combat armé, comme Christine PERCERET du maquis Bourgogne présentée comme «volontaire de la mort››, arrêtée à Sainte-Marie-sur-Ouche en 1944 et fusillée deux jours avant la libération.

Camille-Henriette SIMONOT, née en 1906, est arrivée au camp de Torgau (commando de femmes situe à 50 km) au NE de Leipzig, camp qui travaillait pour une usine de munitions.

Elle est enregistrée sous le numéro matricule 57920 RA.

Puis elle est dirigée sur Ravensbrück, où elle devait décéder le 4 avril 1945, (ou le 20 mars selon d`autres sources), soit 8 mois après son internement.

Elle avait 39 ans.

Camille Henriette SIMONOT – Stèle

La part des femmes dans la lutte contre l’occupant

On peut donc dire sans se tromper que les femmes ont pris largement leur part dans la lutte contre l’occupant. Elles ont été torturées, fusillées, beaucoup ont été déportées. Après la guerre, les hommes ont fait valoir leurs droits, la plupart d’entre elles ne l’ont pas fait.

Pour terminer sur une note positive, je vais vous raconter la belle histoire de Mélanie BERGER VOLLE, née le 8 octobre 1921, juive et communiste autrichienne arrivée en France en 1939. Engagée très rapidement dans la résistance, risquant sa vie pour défendre les valeurs de liberté et de justice, elle a été plusieurs fois arrêtée et torturée. Après la guerre, elle a consacré sa vie à la sensibilisation des jeunes générations. Elle a dit en parlant de sa vie : «Résister, c’est l’essentiel (,,,) mieux vaut vivre debout qu’à genoux» et le 22 juin 2024 prochain, à 102 ans, elle portera la flamme des jeux olympiques.

Cette histoire qui aurait pu aussi être celle de René ROMENTEAU !

Textes de Maryse et Jean-Paul LANGUET