Honneur et engagement – Un combattant au service de la France
Le ministre de la Défense a attribué la carte du combattant à Serge BARRAND, un militaire de la Gendarmerie Nationale et ancien combattant qui témoigne de sa carrière et de son exceptionnel vécu opérationnel.
« Je suis né le 04 février 1954 à Charleville (08-Ardennes). Après des études au lycée Carnot à Dijon j’obtiens le Baccalauréat Mathématiques-Sciences-chimie en juin 1973. Inscrit pour préparer un BTS, je décide de devancer l’appel pour effectuer mon service national avant de reprendre mes études.
J’apprends qu’il est alors possible d’effectuer son service militaire dans la gendarmerie et je candidate aussitôt pour cette arme afin de découvrir cette profession. Après quelques sélections je suis appelé le premier décembre 1973 à rejoindre le CIGA (Centre d’instruction des gendarmes auxiliaires) de Monéteau, à côté d’Auxerre. Après deux mois de « classes » consacrés à la formation militaire pure, je choisis d’intégrer la formation complémentaire de deux mois nommée « peloton de brigadiers ». A l’issue de cette formation, nommé brigadier, je rejoints la Brigade mixte (motards et gendarmes territoriaux) de Gendarmerie d’Annemasse en Haute Savoie (74) à la tête d’un détachement de dix gendarmes auxiliaires appelés.
Au cours de cette période de dix mois sur le terrain en compagnie des gendarmes et gradés de carrière, j’apprécie le travail de surveillance, d’interventions sur les faits graves, et d’enquêtes judiciaires. Le commandant de brigade me propose de constituer un dossier de candidature pour faire carrière dans la gendarmerie. Après quelques jours de réflexion je décide de franchir le pas et d’établir mon dossier qui sera accepté quelques mois plus tard.
Je termine mon service national le 30 novembre et rejoins l’école de sous-officiers de Gendarmerie de Châtellerault ( Vienne) le lendemain premier décembre 1974.
Ma carrière de sous-officier de Gendarmerie
À l’issue de l’école de sous-officiers, je suis affecté à la brigade de gendarmerie de Villefranche sur Saône (69) à l’entrée nord de Lyon. C’est une brigade importante composée essentiellement de jeunes gendarmes sortant des écoles de sous-officiers car l’activité est très intense, les interventions sur le terrain se succèdent jour et nuit à un rythme soutenu. Cette unité n’attire pas les gendarmes plus aguerris qui recherchent plus de calme et de vie de famille.
Le commandant de compagnie m’oriente vers de nouvelles compétences ; à ce titre je bénéficie d’une dérogation nationale afin d’entreprendre dès ma deuxième année de service la formation d’officier de police judiciaire qui dure trois ans. Dans le même temps je suis une formation par correspondance pour passer le concours d’entrée à l’école d’Officiers de gendarmerie à Melun. Faute de temps suffisant pour préparer ce concours je devrai renoncer.
Pendant ces quatre années de travail intensif à Villefranche sur Saône, j’apprends le travail de gendarme sous tous les aspects : suicides, cambriolages, homicides, accidents, prostitutions, trafics. C’est en quelque-sorte une formation accélérée sur le terrain.
Reçu au concours d’officier de police judiciaire, à l’âge de 25 ans, j’obtiens ma mutation à la brigade de Nuits Saint Georges (21) et rejoins la région de ma famille.
Je suis rapidement proposé pour le grade de M.D.L. Chef par ma hiérarchie mais chaque année je suis déclaré « trop jeune » et je devrai attendre mes 29 ans pour être promu M.D.L. Chef.
Je commence une carrière de gradé à la brigade de gendarmerie de Gevrey Chambertin (21) en qualité d’adjoint au commandant de brigade.
Après trois années dans cette unité, je réponds à une demande nationale de volontaires pour partir en ambassade de France afin d’assurer la sécurité. Pratiquant le tir et le karaté depuis de nombreuses années, et ayant un bon dossier professionnel, je suis sélectionné. Sur plus de mille candidats nous serons seulement une cinquantaine à être choisis. Après quelques stages de formation au GIGN puis au ministère des Affaires étrangères, je suis affecté à l’Ambassade de France à MANAMA (Émirat du Bahrein) dans le golfe Persique le premier février 1989. (J’avais demandé une affectation en Amérique du Sud…) Je prends le commandement du détachement de gendarmerie chargé de la protection de Monsieur l’Ambassadeur de France et de l’intérieur de l’ambassade et de ses bâtiments. Les hauts murs d’enceinte extérieure équipés de caméras sont protégés par des troupes militaires locales en armes.
Au cours de ce séjour éclate la guerre du golfe menée par Saddam Hussein. Plusieurs ambassades sont attaquées et encerclées. Le ministère des affaires étrangères par la voix de notre ambassadeur nous annonce que les personnels de l’ambassade de France et les familles vont être rapatriées par avion spécial du gouvernement dans la journée même, en France.
Seuls l’ambassadeur, les chiffreurs, les membres de la DGSE, et nous les gendarmes, resterons à l’ambassade pendant toute la durée du conflit. Nous faisons venir par avion des réserves d’eau, un groupe électrogène, des boites de repas militaires, des masques à gaz, et des armes et munitions, afin de pouvoir tenir un siège contre les troupes ennemies. Les missions de l’ambassadeur dans le pays se raréfient et je suis alors plus engagé dans les missions d’assistance et d’aide aux troupes arrivées dans la région et aux bateaux de guerre qui viennent se ravitailler dans le port. Nos badges diplomatiques me permettent l’accès jusqu’aux pistes de l’aéroport, qui passera rapidement aéroport militaire sous commandement d’un général américain. Je ne serai pas plus précis sur les missions militaires effectuées lors des combats et pendant les six mois de guerre, conformément au droit de réserve qui s’attache à ces missions.
À la fin de ce conflit soit presque 8 mois plus tard, nous aurons la joie de voir revenir à l’ambassade par avion les personnels et familles de l’ambassade, et surtout nos épouses et enfants !
Au cours de ce séjour de trois années la sécurité a été assurée sans faille ni incident par mon détachement.
Monsieur l’Ambassadeur a toujours été courtois et agréable avec nous. À notre départ il m’a confirmé qu’il s’était toujours senti en sécurité et bien protégé, même pendant les périodes de guerre et de grand danger. Cela a été un honneur pour nous de servir ce grand homme.
Nommé adjudant à mon retour en France j’ai pris le commandement de la brigade de gendarmerie de Baigneux les Juifs en Côte d’Or. Après la guerre et les pays étrangers, c’était un retour réparateur dans la campagne française.
Trois ans plus tard j’ai pris le commandement de la brigade de Messigny et Vantouxà l’entrée nord de Dijon, en qualité d’adjudant-chef.
Le Général LEPETIT, commandant la région de Bourgogne m’ayant conseillé de m’inscrire au concours national pour le grade de Major ; j’ai passé et réussi ce concours et j’ai pu choisir mon affectation prochaine de major à la tête du Centre Opérationnel de la Gendarmerie à Dijon (C.O.G.) – Nous gérions les patrouilles du département et les grands événements : transports de fonds, hold-up en cours, intervention des patrouilles sur cambriolages ou accidents, etc…sous l’autorité du commandant de groupement.
Ma carrière d’officier de Gendarmerie
Ayant toujours en tête de réussir à intégrer l’Ecole des Officiers de Gendarmerie à Melun, j’ai été sélectionné pour suivre les cours de formation préparant à cette belle et grande école. En août 2000 j’ai quitté le Centre opérationnel de Dijon pour rejoindre l’école des officiers, puis à l’issue de ma formation je suis nommé à la tête de la Compagnie de Gendarmerie de NANTERRE(Hauts de Seine), entrée ouest de Paris, en qualité de lieutenant. (J’avais demandé toute la France sauf la région parisienne.)
Nanterre étant située en zone étatisée (Police), nous étions chargés de procéder à des enquêtes judiciaires à la demande des magistrats du tribunal, substituts du procureur et juges d’instruction.
Nos communes étaient célèbres, de Neuilly sur Seine (fief de M. Sarkozy que nous rencontrions régulièrement) jusqu’à Rueil Malmaison par exemple. Les grands élus et anciens ministres étaient nombreux…
Un message d’appel à volontaires pour servir lors de la guerre au KOSOVO ayant retenu mon attention, je me suis porté volontaire. Après des sélections et de très nombreux vaccins médicaux reçus contre toutes sortes de maladies j’ai rejoint BANGUI en Centre Afrique ! Il s’agissait du BONUCA (Bureau de l’O.N.U. en Centre Afrique). J’ai été nommé capitaine et chargé de la formation des officiers de gendarmerie centrafricaine dans leur école, du recueil et de la transmission de renseignements pour le compte de l’O.N.U. (renseignements militaires, économiques, politiques, religieux, etc..) et de quelques missions pour lesquelles je ne peux pas m’étendre…Le BONUCA était composé d’une petite dizaine d’officiers africains, j’étais le seul Français.
J’ai connu deux coups d’état sanglants à Bangui, avec des combats dans la capitale pendant plusieurs semaines faisant de nombreux morts. J’ai moi-même échappé de peu à la mort en cette période où le français blanc devenait une cible. Finalement le Général BOZIZE a réussi le deuxième coup d’état. Il s’agissait d’une guerre entre différentes ethnies pour renverser le pouvoir en place et prendre la tête du pays. L’ethnie gagnante se voyait attribuer les postes de fonctionnaires et de militaires quittés par l’ethnie vaincue.
Blessé mais toujours vivant, j’ai regagné mon commandement à Nanterre à l’issue de cette mission de six mois.
Pour terminer ma carrière j’ai obtenu cette fois la mutation que j’avais demandée à l’école de Gendarmerie de CHAUMONT (Haute Marne) en qualité de commandant de Compagnie. J’ai eu le plaisir de partager mon expérience professionnelle acquise au cours des stages et formations suivis lors de mes affectations successives. (Stages de formateur O.P.J., stages de sports de combat et de karaté, deux stages au G.I.G.N., stage de moniteur d’Intervention Professionnelle (MOTTI – maintenant nommé MIP), stage de tireur de précision jusqu’à 800 mètres, stage de moniteur de tir de la gendarmerie, et stages de formation pédagogique. Je suis également moniteur de tir civil de la fédération française de tir sportif.) Ce qui constituait une bonne préparation pour la formation d’élèves gendarmes motivés et dynamiques.
J’ai terminé ma carrière avec le grade de lieutenant-colonel, et une fois en retraite j’ai servi dans les réserves de la gendarmerie à DIJON en qualité de formateur de police judiciaire, formateur O.P.J., et moniteur de tir. Cela m’a permis de quitter la gendarmerie progressivement ….
Marié, père de deux enfants, je suis maintenant un retraité toujours un peu actif ; j’ai été élu adjoint au maire de ma commune d’Arc sur Tille (21), chargé des travaux, de la voirie, et de l’urbanisme.
Enfin je suis vice-président départemental de l’ Union Fédérale des Anciens Combattants et Veuves de Guerre de Côte d’Or, une très belle association dont je suis fier, mais également référent du Groupement UF 21 pour ma commune. »
Propos de Serge BARRAND recueillis par Fernand Pierre KERN.